Un roman-témoignage culte situé dans une Prague occupée par les Allemands, où le sarcasme côtoie la tragédie.
Roman de Jiri Weil
traduit du tchèque par Erika Abrams
978-2-37100-076-6 – 296 pages – 20€
Prague, octobre 1941. Reinhard Heydrich, protecteur de Bohême mélomane, s’évertue à déboulonner du toit de l’Académie de musique la statue de Mendelssohn. En vain, car personne n’arrive à identifier le compositeur : il n’y a pas de plaques sous les statues… et en cherchant celle qui a le plus gros nez, c’est celle de Wagner qui s’impose !
Ainsi commencent le récit et les malheurs des petits fonctionnaires tchèques chargés de la purification de Prague… Heydrich, concepteur et organisateur de la « solution finale », a réellement existé. Son assassinat par un commando de résistants tchèques a déclenché une répression atroce. Weil, qui fait partie des quelques milliers de survivants, a conçu ce livre pour conjurer ses années de clandestinité. « Une histoire cruelle et lucide, comique et douloureuse » (Le Monde) où le sarcasme et la bouffonnerie, comme chez Bruno Schulz et Edgar Hilsenrath, côtoient la tragédie.
Ce roman devenu culte est ici accompagné d’un texte totalement inédit, issu des documents sur le génocide passés entre les mains de l’auteur au Musée juif de Prague : Complainte pour 77 297 victimes.
Jirí Weil, né en Bohême centrale, adhère très jeune au parti communiste, en même temps qu’à des groupes artistiques d’avant-garde, et traduit entre autres Pasternak, Maïakovski et Marina Tsvetaeva. Après avoir travaillé comme traducteur au service de presse de l’ambassade soviétique, il s’installe en 1933 en URSS d’où, à l’instigation du NKVD, il fait passer des documents illégaux dans l’Allemagne nazie. Victime des purges staliniennes en 1934, il est chassé du parti et exilé au Kazakhstan. Il en rapportera des témoignages sévères sur ses expériences soviétiques et La Cuiller de bois (D(…)ev(…)ná l(…)íce), un des premiers romans parlant du goulag, qui ne sera publié qu’après sa mort.
Employé brièvement pendant l’occupation nazie au catalogage des objets de culte, il se voit pourchassé à la fois en tant que communiste et en tant que Juif. En 1945, pour éviter la déportation, il entre dans la clandestinité, allant jusqu’à faire croire à son suicide en se jetant dans la Vltava. Après la prise du pouvoir par les communistes en 1948, il est exclu de l’Union des écrivains pour ses ouvrages d’avant-guerre et interdit de publication. Il travaille alors au Musée juif de Prague, organisant notamment une exposition de dessins d’enfants de Terezín (présentée à Paris en 1956). Ji(…)í Weil est l’un des auteurs préférés de Philip Roth, qui aimait son ton détaché et sa simplicité.
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