Les Cobayes (Morčata, 1970)
(Gallimard, 1974)

Rarement l’étrange aura surgi aussi insidieusement dans le quotidien. Le héros de ce roman à la progression sidérante travaille dans une banque d’État dont tous les employés passent leur temps à voler, puis à se faire à leur tour voler par les inspecteurs chargés de les contrôler. Il offre à Noël un cobaye à ses fils, puis un second, les observant de manière systématique, sans parvenir à leur inspirer la moindre familiarité. Et plus il fait des expériences sur les cobayes, plus sa vision du monde se dérègle : d’abord les choses les plus anodines, puis la santé de ses enfants, la menace d’une banqueroute géante… et la grammaire même du livre. L’écriture est faite de remarques maniaques, absurdes ou décalées sur un quotidien où l’on finit par douter de tout. De qui, à la fin, l’homme est-il le cobaye ?

Ludvík Vaculík

Né en 1926, ouvrier puis journaliste, membre du PC exclu deux fois consécutives en 1967 et en 1969 pour avoir remis en cause le rôle central du parti, Vaculík est l’auteur du manifeste des 2 000 mots paru dans toute la presse pragoise au lendemain de la suppression de la censure préalable. Après avoir publié deux romans perçus comme très critiques envers le régime, La Hache et Les Cobayes, il est surveillé par la police et doit chaque jour raconter ses faits et gestes aux forces de l’ordre. La Clef des songes raconte cette période de sa vie, et les moments de liberté volés aux autorité. Ses livres ont été interdits en Tchécoslovaquie jusqu’en 1989.