Une vie, un rêve, un peuple toujours errants

Une vie, un rêve, un peuple toujours errants
(Seuil, 1978)

Le périple nocturne du bandit Bousfr’ parmi un torrent de de crimes, de révolte, de marionnettes et d’Histoire. Ecrit, comme la plupart des romans de l’auteur dans un café de la place de la République, ce texte est un poème narratif apocalyptique, discontinu et halluciné, où une parole sauvage et débridée prend le pouvoir pour exprimer la révolte vitale, imprécatrice et transgressive de l’exilé. Kaïr Eddine est un visionnaire, ménageant au-delà de la violence verbale une place au délire et à l’onirisme, et de très belles évocations cosmiques. Comme chez Céline, chaque phrase de cette avalanche quasi bloyenne résume la violence et la force brute du texte…

Mohammed Khaïr-Eddine

Auteur marocain (1941-1995), fils de petits commerçants né à Trafaout, au sud d’Agadir, Kaïr Eddine quitte enfant sa mère et son village pour rentrer à l’école à Casablanca. Il se dit alors “nul en arabe, sauf en poésie”, écrivant des tragédies que son père vend à des marchands de cacahuètes qui en font des cornets… Marqué à vie par le séisme d’Agadir (1960), symbole de toutes les remises en question, il est chargé par la Sécurité sociale d’une enquête sur la population et  préconise en poésie une “guérilla linguistique”. Lié d’amitié aux fondateurs du mouvement Souffles, notamment Abdellatif Laâbi, il s’exile bientôt en France en 1965, la distance étant devenue le dernier lien possible avec sa famille et son pays, et il devient ouvrier dans la banlieue parisienne. Il publie des poèmes en revue (Encres vives, Les lettres nouvelles, Présence africaine). Son premier recueil s’intitule Nausée noire ; son premier roman, Agadir, est salué en 1967 par le prix Enfants terribles, fondé par Jean Cocteau ; L’Enterrement obtient le prix de la Nouvelle maghrébine et ses romans Corps négatifHistoire d’un Bon Dieu , Soleil Arachnide, publiés au Seuil, le succès et la notoriété. Implanté dans le Sud, Il anime pour France-Culture des émissions radiophoniques nocturnes.  Il retourne au Maroc en 1979, où il meurt le jour de la fête d’Indépendance.